« Data scientists », « Data architects » voire « Data alchemists »
Grandes paraissent les professions qui participent a la conception et a l’analyse des architectures de donnees. Derriere ces intitules se trouvent des individus dont nos choix contribuent a faconner le visage des services connectes. Prendre en compte la dimension sociale une fabrique des donnees permet de se apporter les moyens de questionner a Notre fois un forme, et les usages qui en sont faits.
Loin d’etre le reflet neutre et objectif en realite, les donnees seront le resultat de processus complexes de captation, de cadrage et d’enregistrement d’elements plusieurs sous des formes standardisees et quantifiables. Ces operations impliquent toujours des choix (de variables a prendre en compte, d’echelles sur lesquelles nos quantifier, de seuils, de hierarchisation…) qui conditionnent la forme finale des precisions et, de votre fait, celle des calculs qui pourront etre realises a partir d’elles – ce dont nous parlions dans le premier billet de une telle serie.
Ainsi, comme l’explique le sociologue Jerome Denis dans son ouvrage la ti?che invisible des donnees, « les precisions ne semblent jamais desincarnees et n’existent pas a l’etat ‘pur’. Elles sont toujours affaire de melanges, de bricolages, d’accommodements, d’agencements hybrides. Elles seront l’objet et le service d’un article ». Les panel impliques avec ce bricolage paraissent faits – consciemment ou non – via de nombreux acteurs, ainsi, en particulier par des specialistes et professionnelles dont le faconnage des donnees constitue le c?ur de metier. Ils et elles concoivent la forme que prendront les informations et des bases dans lesquelles elles vont i?tre reunies en fonction des objectifs qui un sont assignes, avant que des petites mains, nombre moins visibles (et dont nous parlons au billet suivant de votre serie) se chargent de la construction effective des informations.
Pouvoir des choix de structuration des donnees : l’exemple des genres musicaux sur Spotify
La maniere dont les informations seront construites impacte tres largement nos utilisations qui peuvent en etre faites par les outils (en particulier algorithmiques) qui les traiteront ensuite. Les objets informationnels que sont les donnees sont des representations schematiques, qui grossissent l’importance des variables et en laissent beaucoup de autres de cote ; ils contribuent ainsi a la structuration de systemes de representation specifiques.
Le processus de categorisation des musiques sur Spotify permettra d’illustrer une telle dynamique. Si l’histoire en classification musicale par genre reste evidemment ancienne, et en partie reprise par la plateforme qui n’oublie pas totalement le « rock » ou le « jazz », celle-ci se targue egalement de faire emerger des « genres musicaux de demain ». L’importance du catalogue musical de Spotify (environ 50 millions de titres) lui permet Par exemple de conduire des observations statistiques sur son fond et coder, sur la base de Quelques partis-pris, des labellisation inedites.
Le choix de variables particulieres Afin de decrire des titres du fond musical de la plateforme oriente ces nouvelles categorisations. Celui-ci inclut de facon notable Plusieurs caracteristiques liees a des etats emotionnels, egalement appelees « attributs psychoacoustiques », comme l’energie, la « dancabilite », la « couleur emotionnelle ». Une telle labellisation conduit Spotify a construire un chatroulette app referentiel musical base davantage i propos des effets sensoriels supposes des titres que sur leurs caracteristiques structurelles. J’ai plateforme suit en i§a le parti-pris d’une start-up d’ « intelligence musicale » EchoNest, dont celle-ci a fait l’acquisition en 2014, qui affirmait a l’epoque vouloir developper une categorisation dynamique des musiques en fonction des mots « couramment utilises Afin de des decrire », car « chercher du ‘rock’ [serait] a peine plus efficace que de reclamer a ecouter des ‘chansons qui sont d’la musique’ ».
Ainsi, Spotify voit aujourd’hui cohabiter deux types de categorisation musicale, intrinsequement lies a toutes les criteres employes Afin de les qualifier : l’un correspond aux genres « traditionnels » de musique et est base via leurs caracteristiques structurelles (type de rythme, tempo…), l’autre reste oriente par des etats emotionnels ou des activites specifiques supposement lies a un ecoute. C’est cela apparait sur la capture d’ecran suivante d’une page « decouverte » de l’interface de Spotify, voyant se melanger d’un cote le hip-hop, le rock et l’electro, et de l’autre la musique « chill », sport ou encore estivale.
Ce glissement vers une typologisation emotionnelle une musique est en mesure de etre compris, suivant l’analyse des auteurs et autrices de Spotify Teardown (toute premiere etude de grande ampleur menee via le fonctionnement d’une plateforme), comme s’inscrivant au sein d’ « votre mouvement de grande ampleur par une vision utilitariste d’une musique, dans laquelle la musique est Sans compter que qui plus est consommee en lien avec un contexte particulier ou en appui de certaines activites (plutot que dans le cadre d’une experience esthetique ou d’un projet de construction identitaire, comme) ».
Il est en tout cas revelateur de l’importance des choix realises par les « architectes des donnees » une plateforme dans la construction une realite qui te prend forme sur son interface. Notre decision, contraire aux standards classiques de musicologie, d’inclure des variables emotionnelles dans la categorisation musicale, s’accompagne d’une bascule dans la facon dont l’ecoute musicale est envisagee. Si on choisissait si»rement deja au temps libre des cassettes audio d’ecouter des titres divers en fonction du moment de la journee et de ses occupations, la generalisation avec Spotify des playlists orientees vers des contextes et des humeurs particulieres (« a ecouter a la maison », « motivation concernant le sport », « matin »…) normalise ces categories, et oriente de votre fera a grande echelle des pratiques d’ecoute des utilisateurs et utilisatrices. Notre forme Plusieurs precisions, pensee via leurs concepteurs et conceptrices, conditionne leurs usages.